La montée des nationalismes en Afrique

INTRODUCTION

 

A la fin de la seconde guerre mondiale, les puissances impérialistes d’Europe sont sérieusement ébranlées et affaiblies. Dans leurs empires coloniaux, des revendications à caractère nationalistes naissent et se radicalisent progressivement. Les mouvements nationalistes se définissent comme la manifestation de la prise de conscience des peuples colonisés contre la domination des puissances impérialistes. L’aspiration à la souveraineté nationale de ces mouvements s’accentue dans le monde et particulièrement en Afrique.

I- LES FACTEURS DE LA MONTÉE DES NATIONALISMES EN AFRIQUE

1- Les facteurs externes (exogènes)

a) La position anti coloniale des États-Unis et l’Urss

Les États-Unis d’Amérique et l’URSS manifestent très clairement leur politique anticolonialiste. La position américaine s’explique à deux niveaux : les États-Unis sont d’anciennes colonies ayant subi le joug colonial de l’Angleterre ; par conséquent, ils sont foncièrement hostiles à la colonisation. D’autre part, l’impérialisme des États européens constitue une entrave majeure à leur expansion dans le monde particulièrement en Afrique, continent que regorge d’immenses potentialités naturelles. Quant à l’URSS, sa lutte anticolonialiste est fondée sur les principes du Marxisme qui prône l’égalité des classes et des hommes donc le refus de l’asservissement de certains peuples par d’autres. L’URSS n’admet donc pas l’impérialisme et va par conséquent s’opposer à la colonisation.

b) Le rôle de l’Onu et des non-alignés

Un autre facteur très capital, c’est le rôle joué par l’ONU. En effet, l’article 1er de la charte des Nations Unies exprime le respect du principe d’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes ; De ce fait, l’ONU devient très vite une tribune mondiale d’expression à la souveraineté nationale. Comme facteur de l’éveil du nationalisme, on relève aussi l’action des Non-alignés depuis la conférence de Bandung en avril 1955. Les pays déjà indépendants manifesteront leur solidarité aux peuples encore sous le joug colonial en condamnant très sévèrement et régulièrement la politique coloniale des États impérialistes.

2- Les facteurs internes (endogènes)

a) L’émergence des élites et les bouleversements socio-économiques

Le système colonial portait en lui-même les germes de sa propre destruction. En effet, les nouvelles élites africaines, instruites dans l’idéologie occidentale vont cultiver les pensées de justice, de liberté, d’égalité et revendiquer dès lors l’autonomie de leur territoire. L’introduction en Afrique des cultures d’exportation comme le café et le cacao va créer une bourgeoisie agricole qui s’ajoutera aux bourgeoisies administrative et commerciale.

Celles-ci vont ensembles constituer un instrument efficace d’éveil nationaliste.

Aussi la croissance démographique, l’urbanisation galopante due à l’exode rural entraînant le chômage urbain vont renforcer les sentiments hostiles à l’encontre de la métropole et radicaliser les sentiments nationalistes.

b) Les contraintes du système colonial et l’impact des guerres mondiales

Les frustrations liées au système colonial sont nombreuses : Les travaux forcés- les corvées – l’aliénation culturelle – l’austérité du régime fiscal – le portage- les recrutements militaires- la discrimination sociale et économique entre les blancs et les indigènes – l’expropriation des populations de leurs terres et leur délocalisation… Toutes ces frustrations vont conduire les populations à s’unir dans leurs souffrances, à développer et à consolider des sentiments nationalistes. Pendant les deux grandes guerres mondiales de 1914-1918 et 1939-1945, les puissances colonisatrices ont promis la liberté aux colonies contre leur participation humaine et matérielle à ces guerres. Le non-respect de ces engagements à la fin des conflits va radicaliser les mouvements nationalistes dans les colonies et affaiblir les métropoles déjà épuisées par ces grandes guerres. Par ailleurs, les anciens combattants, revenus de la seconde guerre mondiale et désœuvrés pour la plupart vont s’insurger contre le système colonial, l’homme blanc étant démystifié à leurs yeux.

II- CARACTÈRES ET MANIFESTATIONS DES MOUVEMENTS NATIONALISTES EN AFRIQUE

1- Les mouvements à caractère politique et syndicaliste

Au niveau politique, les actions des hommes et des organisations politiques seront très déterminantes dans l’éveil du nationalisme en Afrique. On peut citer des partis politiques comme le CPP (Convention Peoples Party) de Kwamé Nkrumah au Ghana, le PDCI-RDA de Félix Houphouët-Boigny en Côte d’Ivoire, le Front de Libération Nationale (FLN) en Algérie. Leurs actions vont se manifester par : La sensibilisation des populations à travers les meetings, les marches, la désobéissance civile… La collaboration avec les partis politiques métropolitains (RDA-PCF), les compétitions électorales, les négociations de réformes politiques. Au niveau syndicaliste, nous avons le Syndicat Agricole Africain (SAA) de Félix Houphouët-Boigny en 1944, l’Union Générale des Travailleurs d’Afrique Noire (UGTAN), la Fédération des Cheminots Africains (FCA)… Les actions syndicales se sont exprimées par des grèves, des marches, des boycotts et des soutiens financiers et politiques aux leaders africains. 

2- Les mouvements à caractère religieux

Les mouvements messianiques noirs ont été étroitement associés à l’éveil nationaliste en Afrique. On peut citer entre autres le Harrisme de William Wade Harris, originaire du Liberia, le Kimbanguisme du prophète Simon Kimbangu au Congo belge (ex. Zaïre et actuel RDC). Ils ont en général présenté des enseignements prophétiques qui annonçaient la fin de toutes les aliénations subies par le noir, la délivrance et la victoire de l’homme noir sur le blanc. 

3- Les mouvements à caractère culturel

On citera l’action des écrivains comme Léon Gontran Damas, Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire qui ont beaucoup valorisé le thème de « Négritude » pour revendiquer une identité noire. Les mouvements estudiantins comme l’Union des Étudiants de l’Afrique de l’Ouest, la Fédération des Étudiants d’Afrique Noire Francophone (FEANF) ont tous été des catalyseurs de l’éveil nationaliste en Afrique. Comme manifestations de leurs actions, ces derniers ont largement contribué à la prise de conscience populaire par des actions de meetings, de réunions, d’expositions, de conférences, de formations et par les productions littéraires.

III- LES CONSÉQUENCES DES MOUVEMENTS NATIONALISTES

1) Les acquis sociaux

La naissance et la radicalisation des mouvements nationalistes vont amorcer des processus irréversibles de décolonisation en Afrique. Ces mouvements vont d’abord permettre d’enregistrer des acquis sociaux dans les colonies. On peut citer entre autres la loi du 20 février 1946 abolissant le code de l’indigénat, la suppression des travaux forcés dans toutes les colonies françaises avec la Loi Houphouët Boigny votée le 11 avril 1946. Toujours en avril 1946, les lois accordant la liberté de réunion et la liberté d’association sont votées. Toutes ces réformes sociales vont avoir un impact significatif sur les populations indigènes (amélioration des conditions de vie, baisse de la mortalité, augmentation des ressources financières etc.) et renforcer l’aspiration à la souveraineté nationale.

2) Les acquis politiques

Les mouvements nationalistes dans leurs diversités vont aussi provoquer d’importants bouleversements politiques dans les colonies. Les métropoles face aux pressions nationalistes seront contraintes d’engager des réformes politiques successives. Nous citons en exemple :

►La nouvelle constitution française adoptée le 13 octobre 1946 qui institue l’Union française et supprime l’expression « empire colonial ».

►Le 23 juin 1956, la Loi-Cadre qui autorise la généralisation du suffrage électoral et accorde une autonomie financière aux colonies est votée.

►Le 28 septembre 1958, la Communauté Franco-Africaine qui remplace l’Union Française est adoptée par referendum dans les colonies AOF et AEF (à l’exception de la Guinée).

►Le plus grand acquis de tous ces mouvements nationalistes dans leur synergie a été l’accession certes difficile mais progressive des colonies à l’indépendance.

CONCLUSION

Les mouvements nationalistes en Afrique ont bénéficié de plusieurs facteurs endogènes et externes propices. Ils se sont exprimés sur les plans, politique, syndicaliste, religieux et culturel et vont accélérer la quête de la souveraineté nationale sur le continent noir comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire. 

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