L’aménagement du territoire ivoirien

INTRODUCTION

Depuis l’indépendance en 1960, le pays a déployé diverses politiques pour optimiser l’utilisation de son espace, en tenant compte des enjeux économiques, sociaux et politiques.   

Quelle sont les différentes articulations de la politique d’aménagement du territoire ivoirien ?

Comment cette politique a-t-elle évolué depuis l’indépendance ?

Quel est son impact sur le développement du pays et sur les populations ?

I/  ÉVOLUTION DE LA POLITIQUE D’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE DEPUIS 1960

1 – Définition et objectifs de l’aménagement du territoire ivoirien

L’aménagement du territoire désigne l’ensemble des stratégies et politiques  entreprises par un État pour organiser l’espace national afin d’en améliorer l’utilisation et de favoriser un développement équilibré. L’aménagement du territoire en Côte d’Ivoire vise à :

Promouvoir le développement économique en valorisant les ressources naturelles et en favorisant la diversification économique ;

Renforcer la cohésion sociale en réduisant les inégalités régionales ;

Assurer une gouvernance efficace en développant des infrastructures modernes et accessibles.  

2 – La politique agro-industrielle

a) De 1960 à 1970 : Premières bases

Sous la présidence de Félix Houphouët-Boigny, l’accent fut mis sur l’agriculture de rente (cacao, café) pour développer le pays. L’Etat de Côte d’Ivoire décide de valoriser les produits agricoles disponibles. C’est ainsi que de grandes sociétés d’Etat sont constituées et permettent la création de plantations géantes (hévéa, coco, Ananas, Banane douce, Palmier à huile…).

Cette orientation a permis à la Côte d’Ivoire de devenir l’un des premiers producteurs mondiaux de café et de cacao. La réalisation de ces plantations se concentre essentiellement à Abidjan et dans les régions forestières.

b) De 1970 à la fin des années 80

L’accent est mis à cette période sur l’aménagement des régions des savanes sans pourtant freiner le développement du Sud. Cette politique diversification et de régionalisation agricole se manifeste par :

● Le lancement dès 1971 du plan sucrier pour le développement des plantations de canne à sucre et la construction de complexes sucriers à Ferké et Borotou-Koro

● L’intensification de la culture paysanne du coton grâce à un encadrement technique et commercial assuré par la Compagnie Ivoirienne pour de Développement du Textile (CIDT).

2 – La politique d’aménagement régional intégré

a) La politique des fêtes tournantes

Instituées dans les années 60 par le président Félix Houphouët-Boigny, ces fêtes avaient pour objectif de doter certaines villes d’infrastructures (un château d’eau, un aéroport, un hôtel 3 étoiles, un centre de santé, un centre culturel, un stade omnisports, l’extension du réseau électrique et le bitumage de toutes les artères principales de la ville). Au total, 4 communes d’Abidjan et 13 villes de l’intérieur du pays ont abrité les célébrations. (Bouaké, Korhogo, Daloa, Man, Gagnoa, Bondoukou, Treichville, plateau, Adjamé, Odienné, San Pédro, Abengourou, Dimbokro et Katiola).

b) La politique de l’aménagement de la Région du Sud-ouest (ARSO)

Dans le processus d’aménagement du territoire, l’Etat ivoirien a développé le principe d’une meilleure répartition territoriale des investissements publics. Le programme ARSO visait à désenclaver le Sud-ouest riche en ressources forestières. Ainsi, après le port d’Abidjan ouvert en février 1951, le port de San-Pedro a vu le jour en 1972 grâce à ce programme ARSO qui sera un ambitieux programme de développement de la région Sud-ouest de la Côte d’Ivoire, restée longtemps en marge du développement national.

c) La politique de l’aménagement de la Vallée du Bandama (AVB

L’Aménagement de la Vallée du Bandama (AVB) est un projet majeur initié dans les années 1970 dans le cadre de la politique d’aménagement régional ivoirien. Ce programme visait à exploiter le potentiel hydraulique et agricole de la région du Centre. Le projet AVB a inclus plusieurs initiatives clés entre autres

● La construction d’infrastructures (barrage de Kossou) ;

● Le développement industriel (mise en place de petites unités de transformation de décorticage du riz ou de traitement du coton) ;

● Le développement agricole (création de périmètres irrigués pour la culture de riz, de coton et d’autres produits vivriers).

 

d) La politique des Fonds Régionaux d’Aménagement Rural (FRAR)

En vue de combler les déficits en équipements de base dans le milieu rural, les autorités ivoiriennes ont créé dans les années 1970 les Fonds Régionaux d’Aménagement Rural (FRAR). L’institution FRAR fut chargée d’améliorer le niveau et les conditions de vie des populations ainsi que des collectivités locales bénéficiaires, contribuant ainsi à la réduction des disparités inter et intra régionales. La région du Zanzan fut la principale zone d’expérimentation et bénéficiaire de cette politique. Au total, les populations rurales, à travers ce programme FRAR ont bénéficié d’équipements et infrastructures dans 17 secteurs, entre autres agriculture, élevage, pisciculture, éducation, énergie, hydraulique, santé, tourisme. 

II- IMPACT DE LA POLITIQUE D’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE

1 – Pôles de développement et déséquilibres spatiaux

Depuis l’indépendance en 1960, les politiques d’aménagement du territoire ivoirien ont largement favorisé Abidjan. La concentration des institutions gouvernementales, des grandes entreprises, des infrastructures modernes et des activités économiques, industrielles et sociales dans cette seule ville, a été renforcé par des choix politiques et économiques successifs qui ont négligé le développement harmonieux des autres régions. Cette concentration des opportunités a poussé les populations des autres régions à migrer vers Abidjan, aggravant le déséquilibre. La ville concentre aujourd’hui environ 20% de la population ivoirienne. Malgré des tentatives de déconcentration et de décentralisation, les régions de l’intérieur, comme le Nord, le Centre et l’Ouest n’ont pas constitué de réels et dynamiques pôles de développement. Quelques villes constituent des pôles secondaires de développement (Bouaké, Yamoussoukro, Daloa, San Pedro ; Korhogo).

2 – Impact social des politiques

Les politiques d’aménagement ont permis la construction d’infrastructures modernes, notamment les réseaux routiers et autoroutiers, l’aménagement urbain avec des quartiers modernes dotés de services publics (écoles, universités, hôpitaux, marchés, logements sociaux etc.) dans les zones urbaines, améliorant les indicateurs de développement humain. Nous avons aussi la création de zones industrielles et de ports qui stimulent les secteurs logistique, financier et commercial.  

Bien que des projets comme les FRAR aient été lancés pour développer les régions, ils n’ont cependant pas atteint leurs objectifs en raison d’un manque de financement et de suivi. La faiblesse des infrastructures rurales dans de nombreuses régions freine leur développement et leur accès aux services essentiels. Aussi, certains projets comme la construction des barrages de Kossou, Taabo et Buyo ont forcé des communautés à se déplacer, engendrant des conflits entre populations autochtones et les allogènes, pour l’accès aux terres et aux ressources naturelles

CONCLUSION

Les politiques d’aménagement du territoire ivoirien ont incontestablement contribué à la modernisation du pays, notamment par le développement des infrastructures et la stimulation économique. Cependant, ces progrès se sont souvent faits au détriment d’un développement équilibré et inclusif, aggravant les inégalités régionales et sociales.

Une réflexion au sujet de « L’aménagement du territoire ivoirien »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *