Les relations UE-ACP : une forme de coopération Nord-Sud

 

INTRODUCTION

La coopération UE-ACP s’inscrit dans le cadre de la recherche des solutions aux
problèmes des ex-colonies ruinées par la colonisation. Ce programme ambitieux
amorcé depuis les années 1960 est un exemple typique de coopération Nord-Sud
avec ses atouts et revers. 

Qui sont les ACP et l’UE ? Quels sont les principaux accords qui les lient et quels

bilans tirer de cette coopération?

I / LES FONDEMENTS DES RELATIONS UE-ACP

1)      présentation des partenaires

a)       L’Union Européenne

Par le traité de Rome du 25 mars 1957, six pays européens créent la Communauté Économique Européenne (CEE). Il s’agit de la France, de l’Italie, des Pays-Bas, de l’Allemagne, de la Belgique et du Luxembourg. Plusieurs pays européens vont progressivement intégrer cette Communauté. En 1986, elle comprenait douze pays. Après le traité de Maastricht, la CEE devient l’Union Européenne en 1993. En 2019, elle comptait 28 pays membres, mais le retrait du Royaume-Uni en 2020 a ramené le nombre à 27 Etats actuellement.  

L’UE se présente comme un groupe de pays du nord, riches et développés représentant la première puissance commerciale du monde.

b)       Les pays ACP

Les pays ACP sont en général d’anciennes colonies des Etats impérialistes de l’Europe qui sont devenues indépendantes pour la plupart dans les années 1960. Anciennement appelées les EAMA (États d’Afrique et Malgaches Associés), ce groupe devient les pays ACP en 1975. En 1984, ils étaient 65 pays et aujourd’hui, il compte 79 États membres dont 48 pays d’Afrique subsaharienne, 16 des Caraïbes et 15 du Pacifique. D’une manière générale, ce sont des pays du Sud, en voie de développement et principalement des exportateurs de matières premières brutes.

2- Les objectifs, principes et domaines de la coopération

a) Les objectifs et principes de la Coopération  

Les relations UE-ACP qui s’appuient sur des liens historiques ont pour objectifs de :

► Créer une complémentarité entre les pays du nord, riches et développés, et ceux du sud, pauvres et sous-développés ;

► Créer une solidarité sous forme d’aide au développement par le transfert des compétences et des capitaux vers le sud ;

► Promouvoir et accélérer le développement économique, politique et culturel des ACP.

Ces relations se fondent sur les principes suivants :

► L’égalité des partenaires ;

► Le droit de chaque État à déterminer ses choix.

b) Les domaines de coopération

•         Au plan agricole : Aide à la sécurité alimentaire, lutte contre la désertification, stabilisation des prix des produits de base (STABEX) et promotion des cultures d’exportation (crédits agricoles).

•         Au plan financier et technique : Coopération financière et technique par le biais du FED (Fonds Européen de Développement) et de la BEI (Banque Européenne d’Investissement), aide à l’ajustement structurel, appui financier et technique pour l’exploitation minière des ACP

•         Au plan commercial : Engagement de l’UE à garantir aux ACP un libre accès de leurs produits au marché de l’UE. Soutien aux ACP pour une meilleure intégration du commerce international avec des produits et des mécanismes plus compétitifs et plus avantageux.

•         Au plan culturel et humanitaire : aide aux réfugiés, promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, restauration et valorisation des patrimoines culturels des ACP.

3- Les Institutions de la coopération

► Le Conseil des ministres ACP/UE : c’est l’organe de décision et d’orientation, il se réunit une fois par an en session ordinaire et en session extraordinaire lorsque la présidence le juge nécessaire.

► Le Comité des ambassadeurs ACP/UE : organe exécutif, il comprend les représentants permanents de l’UE, de la Commission européenne et les ambassadeurs des États ACP auprès de l’UE.

► L’Assemblée parlementaire paritaire (APP) : c’est l’organe consultatif qui comprend un nombre égal de représentants du parlement et de membres des parlements des États ACP. Les recommandations et les résolutions débattues en son sein sont soumises au Conseil des ministres ACP/UE.

► Le Centre pour le Développement de l’Entreprise (CDE) : son but est d’accompagner le développement des entreprises du secteur privé des ACP et de favoriser les projets communs avec les entreprises européennes.

► Le Centre Technique de Coopération Agricole (CTA) : Il améliore l’accès des pays ACP à l’information sur le développement agricole et rural.

II / LES PRINCIPAUX ACCORDS UE-ACP

1- Les Accords de Yaoundé (CEE-EAMA)

a) La Convention de Yaoundé 1 (27 juillet 1963)

Signée pour cinq ans entre 6 pays de la CEE et 18 EAMA, les principaux points de ces accords sont :

Aider les anciennes colonies à opérer leur décollage économique

Créer une zone de libre échange pour les produits des EAMA

Financer des projets dans les EAMA par le FED et la BEI

L’application pour les produits des EAMA de tarifs douaniers particulièrement avantageux

L’application d’un système de quota pour les produits importés ou exportés par les pays de l’UE

Favoriser la coopération technique afin de permettre aux EAMA d’avoir de la main-d’œuvre qualifiée en octroyant des bourses d’étude aux EAMA

b) La Convention de Yaoundé 2 (9 juillet 1969)

Signée pour cinq ans entre 6 pays de la CEE et 18 EAMA, elle reconduit Yaoundé I dans ses grandes lignes. L’intérêt de cette coopération suscite l’adhésion d’autres États (Ex-colonies) sous-développés. L’entrée du Royaume-Uni au sein de la CEE en 1973 entraîne la prise en compte des pays anglophones membres du Commonwealth. Il parait alors nécessaire de conclure de nouveaux accords avec les nouveaux partenaires mais sur la base de ceux déjà existants. Les nouvelles dispositions et le nouveau contexte débouchent sur la création du groupe des ACP en 1975 et les accords de Lomé.

2- Les Conventions de Lomé (CEE-ACP)

a) La Convention de Lomé 1 (28 février 1975)

Les accords sont signés entre 9 pays de la CEE et 46 ACP et portent sur la mise en place du STABEX (Système de Stabilisation des recettes d’exportation). C’est un fonds d’assurance ou une caisse de compensation pour garantir la stabilité des prix de certains produits agricoles clés des ACP contre les aléas de la production et les fluctuations des cours mondiaux. Le STABEX s’applique à 26 produits agricoles et miniers.

b) La Convention de Lomé 2 (31 octobre 1979)

Elle est signée entre 9 pays de la CEE et 58 ACP. L’aide financière de la FED passe à 1624 milliards F Cfa contre 875 milliards à Lomé I. Le nombre de produits pris en compte par le Stabex passe à 44 et on assiste aussi à la mise en place du SYSMIN (Système de stabilisation des recettes d’exportations des produits miniers). Il couvre huit produits miniers et intervient si la baisse des cours menace l’outil de production dans les ACP.

c) La Convention de Lomé 3 (8 décembre 1984)

Les accords sont signés entre 10 pays de la CEE et 65 ACP pour une durée de 5 ans. Ils renforcent le Stabex qui couvre 49 produits. Un protocole d’accord sur le sucre prévoit l’importation par les pays européens de 1,3 millions de tonnes de sucre des ACP, ce qui va favoriser le décollage économique des pays fournisseurs de sucre de canne comme l’île Maurice, les îles Fidji ou la Guyane.

Lomé III porte aussi sur le développement rural et l’autosuffisance alimentaire dans les ACP, la coopération sociale et culturelle. Le développement des transports et des activités maritimes sont également pris en compte.

d) La Convention de Lomé 4 (15 décembre 1989)

Elle est signée entre 12 pays CEE et 70 ACP pour une durée de 10 ans. Elle sera révisée en 1995 entre 15 Etats de l’UE et les 70 ACP. La particularité de Lomé IV est qu’elle soutient les PAS (Programme d’Ajustement structurel), interdit le transport vers les pays du tiers-monde des déchets toxiques. L’or et l’aluminium sont couverts par le Sysmin.

3- L’Accord de Cotonou (BÉNIN)

Signé en juin 2000 entre 77 ACP et 15 pays de l’UE, l’accord de Cotonou a une durée de vingt ans et contient une clause permettant sa révision tous les cinq ans.

On assiste à l’ouverture des négociations sur la signature des Accords de Partenariat Économique (APE) entre l’UE et les ACP. L’accord de Cotonou porte aussi sur l’objectif de réduction et à terme de l’éradication de la pauvreté dans les ACP tout en contribuant à leur développement durable et à leur intégration dans l’économie mondiale. Cet accord prévoit l’association d’autres acteurs non étatiques dans les négociations UE-ACP (société civile, secteur privé, autorités locales journalistes…).

La promotion des droits de l’homme, des principes démocratiques basés sur l’état de droit, de la gestion transparente et responsable des affaires publiques constituent des recommandations fondamentales de cet accord.

4- Les Accords de Partenariat Économique (APE)

Les pays ACP et ceux de l’UE entretiennent depuis très longtemps des relations de partenariat. Celles-ci se sont fortement tissées par des liens historiques, fondés sur le principe de la solidarité et du développement, avec la mise en place et le renouvellement de plusieurs conventions et accords de coopération.

En juin 2000, un tournant décisif a été marqué dans ce partenariat UE-ACP ; il s’agit de l’accord de Cotonou qui ouvre la voie des négociations sur la signature des Accords de Partenariat Économique (APE). Les APE sont des accords de libre-échange, dans lesquels l’UE, fournit aux pays ou régions signataires d’un APE un accès à son marché en franchise de droits et sans contingents (quotas), et dans lesquels les pays ou régions ACP s’engagent à ouvrir à l’UE au moins 75 % de leurs marchés respectifs.Les APE sont des accords commerciaux qui remplacent donc le régime commercial unilatéral qui a régi les relations commerciales entre l’UE et les pays ACP durant plus de trente ans, dans le cadre des conventions de Lomé successives.Ce régime de préférences unilatérales n’était pas compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) car il accordait un traitement plus préférentiel aux pays ACP mais pas aux autres pays en développement. L’UE a donc souhaité que l’ancien régime commercial soit remplacé par des régimes commerciaux compatibles avec les règles de l’OMC. Les négociations des APE, qui ont débutées en 2002, ont été engagées entre l’UE en tant qu’entité régionale et 6 groupes de pays au sein des ACP :

1. Les pays des Caraïbes ;

2. Les pays du Pacifique ;

3. les pays de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO plus la Mauritanie) ;

4. les pays de l’Afrique centrale ;

5. les pays de l’Afrique orientale et australe (AOA) ;

6. les pays de l’Afrique de l’Est ;

7. les pays de l’Afrique australe.

III / LE BILAN DE LA COOPÉRATION UE- ACP

1- Les acquis de la coopération

► Accès de l’UE dans le cadre de cette coopération à un vaste marché de matières premières agricoles et minières des pays ACP. Cette coopération a permis à l’UE de se constituer également un grand marché de consommation pour ses produits industriels dans les pays du Sud.

► L’accès des pays ACP au marché de l’UE sans droit de réciprocité pour leurs produits agricoles et miniers. La mise en place des mécanismes du STABEX et du SYSMIN a permis aux pays ACP de bénéficier d’aides financières en cas de baisse des prix de leurs produits d’exportation.

► Réalisation par le FED dans le cadre de cette coopération, de nombreux projets en équipements et en infrastructures socio-économiques dans les pays ACP. Le FED leur a également accordé des aides financières non remboursables depuis (Lomé IV-bis).

► De nombreux cadres des pays ACP de divers domaines ont bénéficié de formation de haut niveau à travers des bourses de l’UE accordées dans le cadre de cette coopération.

► L’élargissement des domaines d’intervention de la coopération UE-ACP aux aspects socio-politiques (la promotion des droits de l’Homme et de la bonne gouvernance, les problématiques environnementales et du développement durable, la lutte contre les migrations irrégulières et le terrorisme…) a favorisé de nombreuses initiatives sociopolitiques, environnementales et sécuritaires au bénéfice des populations dans les pays ACP.

► L’intégration d’acteurs non étatiques aux négociations à partir des accords de Cotonou a contribué à l’émergence d’une société civile forte, diversifiée et autonome, capable de formuler les intérêts des populations et de demander des comptes aux acteurs politiques dans les pays ACP.

2- Les limites de la coopération

Malgré les nombreux mécanismes et aides financières de l’UE dans le cadre de cette coopération, on note :

► Une persistance chronique du déficit commercial pour les pays ACP et la détérioration continue des termes de l’échange surtout des matières premières tropicales.

► La coopération industrielle a été insuffisante et n’a pas l’accent sur le déploiement efficient d’une industrie de base réelle qui pouvait amorcer l’essor industriel dans les pays ACP.

► Le tissu industriel embryonnaire pour la plupart des pays ACP s’est davantage affaibli face aux importations massives des produits industriels subventionnés de l’UE.

► La coopération UE-ACP perpétue le marasme industriel des pays ACP qui sont finalement réduits à l’exportation permanente des matières premières vers le nord.

► La réticence de plusieurs pays ACP à ratifier les APE s’explique par la crainte de la réduction de leur marge de manœuvre politique pour poursuivre leurs politiques de développement ; surtout que l’UE engage ces négociations en tant qu’entité régionale mais fragmente les pays ACP en plusieurs zones régionales.

► Les APE sont constamment dénoncés et rejetés par de nombreuses Organisations de la Société Civile dans les pays ACP à travers des marches de protestations et des campagnes de sensibilisations sur les conséquences dévastatrices des économies du Sud avec la ratification de ces accords.

CONCLUSION

Les relations UE- ACP constituent un exemple de coopération nord-sud, à en juger l’augmentation et la diversification des aides mais les résultats escomptés sont en deçà des espoirs. Cette coopération n’a pas favorisé le décollage économique véritable des ACP. Aujourd’hui, avec les pressions liées à la mondialisation, l’élargissement de l’UE, la montée économique des pays asiatiques et l’imposition des APE, les pays ACP et particulièrement ceux de l’Afrique pourront-ils véritablement s’inscrire dans l’économie mondiale comme des acteurs dynamiques et responsables ?

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