L’accession de l’Algérie à l’indépendance

INTRODUCTION

Le processus de décolonisation de l’Algérie est l’un des exemples typiques de la lutte d’indépendance armée. Ce pays qui constituait un enjeu stratégique pour la métropole va acquérir sa souveraineté nationale dans le sang mais aussi dans des négociations politiques très difficiles.

Quels sont les facteurs et les étapes de la marche vers l’indépendance de l’Algérie ?

I- NAISSANCE ET EVOLUTION DU NATIONALISME ALGERIEN JUSQU’EN 1954

A- Les facteurs de la naissance et du développement du nationalisme algérien

1-Le statut politique et administratif de l’Algérie

La conquête algérienne par la France remonte à 1830. La proximité de l’Algérie à la France, les conditions climatiques favorables, la découverte d’immenses gisements de pétrole dans le sud du pays vont vite inciter la métropole à proclamer en 1848 cette colonie comme territoire français. Le régime politique algérien est fondé sur l’inégalité entre la minorité européenne et la majorité indigène arabo-berbère islamisé. L’Algérie est divisée en 3 départements (Alger, Oran, Constantine) et placée sous l’autorité d’un gouvernement général nommé et relevant du ministère de l’intérieur français.

2-L’inégalité économique et sociale

Au plan social, l’Algérie avait une société très inégalitaire. La population d’origine française estimée à environ un million dont 80% sont nés en Algérie (les pieds noirs) occupait les fonctions administratives et industrielles en ville et pratiquaient une agriculture très moderne sur les meilleures terres.

A l’inverse, la population indigène et musulmane d’Algérie, estimée à plus de 8 millions vivait sous tutelle et sans véritable partage de l’autorité. Elle pratique une agriculture traditionnelle et rudimentaire. Le sous-emploi, la précarité et la misère caractérisent cette importante proportion de la population algérienne. Malgré leur participation à l’effort de guerre de 1914-1918, aucune amélioration des conditions de vie des indigènes n’est envisagée et la minorité française refuse toute réforme qui donnerait l’égalité entre européens et musulmans algériens.

Toutes ces distorsions politiques, sociales et économiques éveillent une conscience nationale dans l’élite réduite des commerçants, des lettrés dans les milieux ouvriers et parmi ceux qui ont participé aux guerres.

B. Naissance et affirmation du nationalisme algérien

1-Les différentes tendances politiques

On peut distinguer 3 grandes tendances:

·      La tendance traditionnelle. Elle est dirigée par les Ouléma dont le leader est Abdel Hamid ben Badis. Il crée en 1931 le mouvement l’Association des Ouléma qui rejette l’assimilation et prône l’affirmation et la restauration de l’Islam en Algérie. Sa devise est : « L’ISLAM, ma religion, l’Algérie, ma patrie et l’arabe est ma langue ».

·      La tendance révolutionnaire et populiste dirigée par Messali Hadj à travers l’Etoile Nord-africaine fondée en 1927 dans les milieux ouvriers parisiens et transformée en 1939 en Parti du Peuple Algérien (PPA). Elle réclame l’indépendance de l’Algérie avec le concours de la France.

·      La tendance modérée ou réformiste incarnée par Ferhat Abbas. Très occidentalisé et leader de la fédération des jeunes musulmans créée en 1927, il ne revendique pas de prime abord l’indépendance mais plutôt l’assimilation et la complète égalité entre toutes les populations algériennes.

2-La radicalisation du nationalisme algérien

Le 08 mai 1945, des émeutes éclatent à Sétif entre musulmans et « pieds noirs » Elles gagnent tout le pays et la répression est violente (une centaine de français sont tués et plus de 8000 Algériens massacrés). En 1946, Ferhat Abbas fonde l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA) qui préconise une République algérienne autonome associée à la France dans le cadre de l’Union Française, tandis que Messali Hadj crée le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) qui veut obtenir l’indépendance d’une Algérie musulmane et arabe. 

Pour désamorcer la crise, la France propose un nouveau statut pour l’Algérie. Le 20 septembre 1947, l’Algérie est érigée en département d’Outre-mer. Une assemblée territoriale est créée avec 120 députés élus par deux collèges et investis de pouvoirs budgétaires. Ce statut voté ne sera jamais appliqué, ce qui va renforcer la vision d’une indépendance armée chez les algériens indigènes. Aussi, les divisions internes au sein du MTLD, principale force politique vont aboutir à la création en mars 1954 du Comité Révolutionnaire d’Unité et d’Action (CRUA). Cette structure sera coordonnée et dirigée par des chefs révolutionnaires comme Mohamed Boudiaf, Belkacem Krim, Mostefa Ben Boulaïd, Larbi Ben M’Hidi. Malgré leurs désaccords structurels, ils sont tous d’accord sur un objectif commun : obtenir l’indépendance par la lutte armée. Ils vont s’organiser pour perpétrer une série d’attentats contre les intérêts de la métropole. 

II- DE L’INSURRECTION A L’INDEPENDANCE

1. L’insurrection algérienne

Le CRUA va se restructurer au Caire en Égypte et devenir un mouvement politique dénommé le Front de Libération Nationale (FLN) avec une branche militaire : l’Armée de Libération Nationale (ALN). L’objectif du FLN est de restaurer un État algérien souverain et social avec des principes islamiques.

Comme prévue, l’insurrection commence par une série d’attentats dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954 : c’est le complot de la Toussaint ou la Toussaint Rouge. Les hommes du FLN déclenchent des attaques dans diverses régions de l’Algérie contre des installations militaires, commissariats, entrepôts, équipements de communications, et des bâtiments publics. Plusieurs soldats et des civils français sont pris pour cible. On dénombre au moins 10 morts chez les français d’Algérie. La métropole qui venait quelques mois plus tôt de perdre ses colonies d’Indochine (voir la guerre du Vietnam), réagit violemment devant cette insurrection qualifiée de sédition.

Des renforts militaires massifs seront envoyés en Algérie. La violence gagne progressivement toute l’Algérie et on assiste à des massacres entre européens et indigènes algériens.

En 1956, le FLN organise et intensifie le terrorisme urbain. Les groupes de maquisards sont ravitaillés en armes par des contrebandes en provenance du Maroc, de la Tunisie et de l’Égypte. En représailles, la France utilise la tactique du quadrillage des quartiers, le regroupement des populations et la torture. 

La question de l’Algérie devient une véritable épine pour les différents gouvernements français mais les autorités de Paris refusent l’internationalisation de ce conflit sous prétexte que l’Algérie fait partie du territoire français. L’ONU et les Non-alignés s’impliqueront tout de même pour exiger la décolonisation de l’Algérie. Le 13 mai 1958, des émeutes éclatent en Algérie. L’armée se range ouvertement aux cotés de la population civile et met en place un comité de salut public. A Paris, les crises ministérielles et parlementaires s’accentuent. Finalement, le Général Salan, chef de l’armée d’Algérie fait appel à De Gaulle pour la formation d’un nouveau gouvernement capable de résoudre la crise algérienne. La quatrième république de la France vient ainsi de s’effondrer.

2. La politique algérienne de De Gaulle

Le 1er juin 1958, De Gaulle accède au pouvoir. L’assemblée nationale l’investit comme président du conseil et lui vote les pleins pouvoirs et le droit de rédiger une nouvelle constitution (elle sera adoptée par referendum le 28 septembre 1958).

Le 4 juin 1958, il se rend à Alger où il prononce un discours ambigu qui ne définit pas une politique claire sur le statut de l’Algérie. On retiendra de ce discours, la phrase restée célèbre : « Algériens, je vous ai compris ! ».

Très réaliste cependant, De Gaulle renonce à l’idée d’une Algérie française car pour lui si la France ne peut pas accorder l’égalité sociale aux algériens musulmans, il convient de leur accorder la liberté. Il propose trois solutions :

► L’indépendance totale de l’Algérie

► L’assimilation véritable avec la France

► L’autonomie et l’association avec la France

Le FLN qui a constitué en octobre 1958 un Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) exige la première solution et rejette tout compromis fédéral. Aussi, la minorité française d’Algérie rejette toutes les propositions d’indépendance de l’Algérie, craignant de se retrouver dans un Etat algérien dirigé par le FLN et l’exposant ainsi au dilemme de la Valise ou du Cercueil. Progressivement, De Gaulle parvient à persuader l’opinion publique que l’indépendance de l’Algérie est inéluctable. L’armée et les français d’Algérie se sentent trahis et déclenchent une semaine d’émeutes à Alger du 24 au 31 janvier 1960. Les européens d’Algérie, en accord avec l’armée vont créer l’Organisation de l’Armée Secrète (OAS), chargée de faire front au FLN en perpétrant aussi des attentats et en liquidant les responsables de cette organisation. L’OAS se radicalise, organise des attentats et même un coup d’état militaire (avorté) contre De Gaulle le 22 avril 1961.

3. Les accords d’Evian et l’indépendance de l’Algérie

 

A partir de juillet 1961, le gouvernement français engage des négociations avec le GPRA à Evian, une ville au sud de la France. Celles-ci sont difficiles à cause des violences de l’OAS. Finalement, elles aboutiront à des accords satisfaisants pour le GPRA en mars 1962 car les clauses stipulent que l’Algérie peut accéder à l’indépendance par référendum. Le peuple algérien se prononce à plus de 90% en faveur du OUI proclamant ainsi l’indépendance de l’Algérie le 3 juillet 1962 avec comme premier président, Ahmed Ben Bella. Plus de 700000 français quitteront l’Algérie, préférant l’abandon de leurs biens et l’exil aux probables persécutions du FLN. Les Harkis, algériens indigènes qui ont soutenu la politique française seront longtemps persécutés et massacrés par le FLN mais aussi rejetés et marginalisés sur le territoire français.

CONCLUSION

Colonie stratégique de la France depuis 1830, l’Algérie a acquis son indépendance dans la violence et dans la douleur. Environ un million d’algériens de tous bords ont péri dans cette guerre d’indépendance. Le cas de l’Algérie est un cas typique de la décolonisation véritablement armée contrairement à celle de la Côte d’Ivoire. 

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